Carlos Ghosn va rester en prison, le gouvernement japonais se fait discret

Selon les médias japonais, l'ex-patron de l'alliance Renault-Nissan a été prévenu qu'il ne sortirait pas dans les prochains jours de cellule.

Par (à Tokyo)

Carlos Ghosn est toujours en garde à vue, selon le régime juridique un peu particulier japonais. 

Carlos Ghosn est toujours en garde à vue, selon le régime juridique un peu particulier japonais. 

© MaxPPP

Temps de lecture : 4 min

Carlos Ghosn est en prison à Tokyo depuis près de trois semaines et il est fort probable qu'il y passe le reste de l'année. Sauf énorme surprise, « le procureur lui signifiera lundi son inculpation pour déclaration erronée de salaires sur cinq années budgétaires ainsi qu'une deuxième arrestation pour le même délit, mais sur trois années de plus », explique un ancien enquêteur de la brigade financière chargée de ce dossier hors du commun.

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« Il va sans doute cumuler pendant quelques semaines une garde à vue pour une vingtaine de jours et un placement en détention provisoire pour une durée indéterminée », précise la même source, selon qui M. Ghosn pourrait même être ensuite sous le coup d'un troisième mandat d'arrêt cette fois lié aux abus de bien sociaux dont l'accuse aussi Nissan. L'intéressé aurait déjà été prévenu qu'il ne sortirait pas lundi (terme de la garde à vue en cours) et, selon les médias, il n'apprécie pas du tout.

Carlos Ghosn pas traité plus sévèrement qu'un autre ?

« J'ai tout lieu de croire que les enquêteurs ont pris le temps d'accumuler assez de matériel avant de procéder à son interpellation », dit l'ex-inspecteur, qui a fait le même travail pendant plusieurs décennies et connaît les coulisses de ce type d'opération. La procédure en choque cependant plus d'un à l'étranger, mais le bureau des procureurs se défend de traiter Carlos Ghosn plus sévèrement qu'un autre : « Nous ne gardons les personnes que lorsque cela se justifie au regard de l'enquête », a insisté auprès de la presse le procureur adjoint de Tokyo, Shin Kukimoto.

Certains experts expliquent en outre sur les chaînes de TV japonaises que, finalement, même si la période précédant la mise en examen est plus longue au Japon qu'en France afin d'avoir assez d'éléments pour juger de la nécessité ou non d'engager des poursuites, cela n'est pas très différent car, au final, dans l'Hexagone, la détention provisoire peut atteindre plusieurs mois voire années. L'argument est cependant à relativiser, car il est très rare que l'on aille en détention provisoire en France pour le type de délits que l'on reproche à Carlos Ghosn. Beaucoup, au Japon aussi, reconnaissent cependant que le fait que l'avocat n'assiste pas aux interrogatoires pose problème.

Le gouvernement japonais assis entre deux chaises

Le peu d'éléments rendus publics par la justice nourrit de nombreuses spéculations sur les intentions des uns et des autres dans cette affaire complexe où l'on s'interroge notamment sur le rôle du patron exécutif de Nissan, Hiroto Saikawa, qui a été le plus rapide à dénoncer son ex-mentor. Le gouvernement japonais, lui, se fait très discret (même s'il agit peut-être en coulisses), une attitude en retrait qui peut s'expliquer de deux façons, selon l'analyste du secteur de l'automobile Takaki Nakanishi.

« L'État français détient 15 % de Renault, il est normal qu'il donne son avis, mais ce n'est pas le cas du gouvernement japonais, qui ne possède aucune part de Nissan et doit laisser les entreprises s'arranger entre elles ». Voilà pour la version diplomatiquement correcte. Mais il y a la version plus politiquement réaliste, que développe très prudemment M. Nakanishi, mais que corroborent quelques témoignages anonymes de fonctionnaires dans la presse. « Certains peuvent penser que Nissan doit recouvrer sa nationalité japonaise, que c'est dans l'intérêt du Japon, au regard de l'importance de l'industrie de l'automobile pour une nation. »

Les Japonais persuadés que Renault voulait absorber Nissan

Or, les Japonais sont persuadés depuis des mois que « la France veut (via Renault) absorber Nissan ». Que l'hypothèse de la fusion soit fondée ou non, peu importe, les Japonais sont convaincus que ce projet était dans les tuyaux et que Carlos Ghosn était en quelque sorte mandaté pour le réaliser. « Pour ceux qui voulaient rejaponiser Nissan, le risque que ce groupe et son compatriote Mitsubishi Motors (dont Nissan détient 34 %) passent sous pavillon français représenterait une menace pour le Japon. Au sein du ministère de l'Industrie, il y a un soutien de certaines personnes pour la rejaponisation de Nissan », indique M. Nakanishi.

Pas étonnant, dès lors, que le ministre de l'Économie et de l'Industrie japonais, Hiroshige Seko, ait dû corriger bien vite le tir quand son homologue français Bruno Le Maire a dit à la télévision que les deux s'étaient entendus « pour que les règles de gouvernance ne changent pas », c'est-à-dire pour que Renault nomme celui qui remplacera Carlos Ghosn à la tête de l'alliance Renault-Nissan. « Je n'ai fait aucune promesse à un quelconque pays sur la gouvernance de Nissan », a assuré M. Seko auprès de la presse japonaise qui s'interrogeait sur la prise de position prêtée par la France au gouvernement Abe, en général plutôt prompt à défendre le drapeau nippon.

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Commentaires (45)

  • patachon91

    La seule question qui vaille reste la suivante : y a t-il eu dissimulation de revenus, quand bien même auraient ils été futurs ?

    Dans une telle hypothèse, ces revenus auraient dus être provisionnés au plan comptable, faute de quoi les comptes de l'entreprise, publiques, n'étaient pas sincères et de nature à tromper les actionnaires sur les charges de l'entreprise, outre le fait que les revenus du dirigeant était dissimulé dans leur ampleur.

    Il faut que cette question soit tranchée, le reste étant de la flûte...

  • corocouco

    Nissan n"a même pas la reconnaissance du ventre... Sans Carlos Ghosne, où serait-il
    maintenant ? Et Renault où serait-il ? Je trouve scandaleux d'entendre des membres de la CGT Renault se réjouir de l'incarcération de leur patron, victime d'un système judiciaire japonais d'un autre age, alors qu'ils seraient peut être en train de pointer au chômage si on avait mis n'importe quel énarque au pouvoir de la vieille
    maison à la place du boss. Il est vrai que la CGT est issue de vieux partis staliniens ou la justice était bien pire. Bien sûr que l'âpreté de Carlos Ghosne au gain est carrément insupportable, digne de Fouquet, mais le gouvernement japonais qui veut récupérer Nissan maintenant qu'il a la tête hors de l'eau est digne de Colbert et de Louis XIV.

  • patachon91

    Fichtre : si cela se pouvait, j'adhérerais à 1 000 %.