Entretien à deux voix avec Anne Poirier élue à l’Académie des beaux-arts

24 Juin 2021

Gilles Kraemer

Au cours de sa séance plénière de ce mercredi 23 juin 2021, l’Académie des beaux-arts a élu Anne Poirier au fauteuil VI, section de sculpture, précédemment occupé par Gérard Lanvin (1923-2018).

Anne et Patrick Poirier © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, mercredi 23 juin 2021, Palais de l’Institut.

Rencontre avec Anne Poirier, quelques instants après son élection. Entretien à deux voix tellement Anne (née en 1941 à Marseille) et Patrick (né en 1942 à Nantes) ne font qu'un. L’un parle, l’on a l’impression que c’est l’autre qui s’exprime. Ce n'est pas la première personne du singulier mais toujours la première du pluriel qui prévaut. Tellement de complicité et de douceur dans leurs regards. Les Poirier, comme les Lalanne ou les Delaunay. Des mains unies depuis cinquante ans, qui n’en font qu’une. C’est la première fois qu'ils sont séparés. Dommage qu’il n’y ait pas eu une élection commune d’Anne et de Patrick !

Suite à leur séjour à la Villa Médicis, ils décident de travailler ensemble, signant en commun leurs œuvres. Leur première importante pièce est une reconstitution-maquette en terre cuite, de 6 mètres sur 12 mètres, Ostia Antica (1970-1972). Comme le soulignait Anne à Chiara Parisi, lors de leur exposition ROMAMOR à la Villa, en mars 2019, " notre travail n’est pas un travail théorique, c’est un travail qui est provoqué par les lieux – par le GENIUS LOCI – et évolue avec notre vie même ". http://www.lecurieuxdesarts.fr/2019/02/anne-et-patrick-poirier-voyageurs-dans-la-fragilite-du-monde-viaggiatori-nella-fragilita-del-mondo-villa-medicis-villa-medici.html

" Et maintenant, que vous êtes élue à l’Institut ?". À cette question, la réponse est immédiate. " Depuis plus de 50 ans, nous travaillons ensemble. Cela ne peut pas se dissoudre même si me voici à l’Académie".

Après avoir suivi des études d’histoire de l’art à la Sorbonne, Anne entre à l’École nationale des arts décoratifs à Paris où elle rencontre Patrick Poirier. Elle souligne l’importance que son professeur Louis Dideron (1901-1981) eut auprès d’elle, " l’aidant, la poussant dans sa démarche, son travail ", lui qui fut élu membre de l’Académie des beaux-arts en février 1962 au fauteuil III, précédemment occupé par Paul Landowski. Nicolas Schöffer lui succèdera en décembre 1981.

Anne et Patrick effectuent de nombreux voyages en Orient, au Moyen-Orient et aux États-Unis, puis deviennent pensionnaires de la Villa Médicis en 1968, les derniers nommés du Grand Prix de Rome puisque les barricades germanopratines de mai 68 décidèrent la suppression de ce Prix. Balthus était le directeur de la Villa. Anne Premier Grand Prix de Rome en sculpture, Patrick, Second Grand Prix de Rome en peinture. A cette époque, le séjour au Pincio était plus long qu’aujourd’hui, trois ans et demi. Ils prolongent leur séjour romain vivant dans un appartement Piazza del Monte di Pietà, en plein cœur de la ville, gardant toujours leurs ateliers à la Villa.

" Tellement attachés à l’Italie où nous avions séjourné pendant cinq années, nous avons acheté une maison en Ombrie, gardée pendant trente ans, jusqu’au décès de notre fils [leur fils unique Alain-Guillaume], dans laquelle nous passions nos vacances, dans cette région aux églises austères en extérieur et aux intérieurs couverts de fresques. Pays de nos premières expositions, à Rome et à Florence " .

Pour Patrick, " Nous avons vécu des expériences différentes lors de nos multiples invitations, à Berlin en 1977-1978, à New York en 1980. Au Getty Reasearch Institut à Los-Angeles [1994-1995] nous avons participé à une réflexion sur le thème de la mémoire avec des philosophes, des historiens de l’art, des psychanalystes, des chercheurs. Nous sommes des artistes qui travaillons avec d’autres artistes ".

" N’allez-vous pas mettre votre grain de sel au sein de cette Institution, parmi ses membres qui vous invitent à siéger avec eux ? ". " Même si je suis dans "les nuages" aujourd'hui mais n’est-ce pas le propre de l’artiste, je perçois pleinement tout ce que je peux apporter à cette institution, tout ce que je peux y faire en lui faisant profiter de notre expérience, des différentes expériences que nous avons vécues ".

Ajoutant " nous croyons beaucoup à l’échange et à la confrontation des savoirs. Ceci correspond parfaitement à ce que les jeunes artistes recherchent, vers lequel ils tendent ".

La section de sculpture sera désormais composée de sept membres : Claude Abeille, Antoine Poncet, Brigitte Terziev, Pierre-Édouard, Jean Anguera, Jean-Michel Othoniel et Anne Poirier.

Dominique Isserman, Anne Démians & Anne Poirier © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, mercredi 23 juin 2021, Palais de l’Institut.

Au cours de cette même séance,. Anne Démians a été élue au fauteuil de la section d’architecture, précédemment occupé par Roger Taillibert. Dominique Issermann a été élue au fauteuil de la section de photographie, précédemment occupé par Bruno Barbey. Toutes deux sont les premières femmes élues dans ces sections.

Dominique Isserman, Anne Démians, Anne Poirier & Jean Gaumy, membre de la section de photographie © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, mercredi 23 juin 2021, Palais de l’Institut.

Ce même jour, l’Académie des beaux-arts a proclamé le nom de la lauréate de la seconde édition du Prix de Photographie de l’Académie des beaux-arts - William Klein. Annie Leibovitz est la lauréate de ce prix de consécration doté de 120 000 euros.