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La liberté selon Jean Hélion, au Musée d’art moderne de Paris

La rétrospective intitulée « La Prose du monde », présentée à Paris jusqu’au 18 août, célèbre l’indépendance déconcertante du peintre, qui fut à rebours de toutes les modes, et le paya cher.

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Publié le 24 mars 2024 à 08h00, modifié le 25 mars 2024 à 09h52

Temps de Lecture 6 min.

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« Grande mannequinerie » (1951), de Jean Hélion.

Jean Hélion (1904-1987) est l’un des artistes les plus déconcertants du XXe siècle. Il ne respecta jamais aucune contrainte et a payé cher son obstination à aller à contresens des courants dominants. L’une de ses toiles les plus connues se nomme A rebours (1947), expression qui aurait pu lui servir de devise. Aujourd’hui, alors que la plupart des dogmatismes qu’il défia achèvent de crouler, on peut espérer qu’il sera mieux compris et que cette rétrospective sera celle d’une reconnaissance définitive.

De ce caractère absolument indépendant, sa vie donne une preuve qui aurait pu être mortelle. En 1939, il vit aux Etats-Unis, en Virginie, avec sa première épouse et leur fils, et sa notoriété croît à New York. Vient la guerre, le 3 septembre. Au lieu de chercher à esquiver la mobilisation, il rentre volontairement en France s’engager. Le 19 juin 1940, il est fait prisonnier et envoyé dans un stalag en Poméranie. Au lieu d’y attendre la fin de la guerre, il s’évade en février 1942, traverse en train Allemagne et Belgique et atteint Paris, où il est aidé par Mary Reynolds, alors la compagne de Marcel Duchamp. Puis il franchit clandestinement la ligne de démarcation, rejoint Marseille, où il retrouve d’ailleurs Duchamp, et réussit à s’embarquer pour Baltimore. Arrivé aux Etats-Unis, il publie le récit de son évasion sous un titre qui pourrait aussi être sa devise, They Shall Not Have Me (Dutton, 1943 ; publié en France chez Claire Paulhan en 2018, Ils ne m’auront pas), best-seller qui fortifie l’antinazisme du public américain. Voilà pour l’homme.

Géométrie droite

En peinture, il est de même. Après des débuts banals, il rencontre en 1926 le peintre uruguayen Joaquin Torres Garcia, qui lui fait connaître Jean Arp, Piet Mondrian, Theo van Doesburg et Léon Tutundjian : ils ont en commun une abstraction construite par une géométrie droite qui délimite des plans de couleurs uniformes. Ce serait peu dire que leur position est archiminoritaire. Jean Hélion ne les rejoint pas moins, fonde avec eux deux groupes, en 1930 Art concret et, en 1931, Abstraction-Création. Des lignes noires d’épaisseur variable, des rectangles de bleu, de jaune et de rouge, les trois primaires : c’est le langage de Mondrian et du mouvement De Stijl, qu’Hélion fait sien avec aisance.

Il accumule les petits dessins qui sont autant de variations conçues à partir de ces principes, pour les développer en tableaux. Mais cette prolifération est l’indice d’un désir d’expérimentation qui ne se satisfait pas longtemps du système initial. Les droites doivent bientôt supporter le voisinage de courbes et les quadrilatères ont des coins ronds dès 1933 : première licence. Une deuxième suit. Les plans de couleurs ne sont non plus uniformes, mais modulés avec des nuances qui suggèrent des volumes. Puis, rapidement, les affirment : fuseaux, tubes coudés, cylindres. Les titres ne disent plus Composition, mais Monument – toile du reste admirable (1937) – et Figure bleue, ou rose ou, plus explicitement, tombée. Ces constructions de plus en plus anthropomorphiques se développent sur fond d’aplats colorés, ce qui donne l’impression de voir des assemblages sculpturaux devant une peinture purement abstraite. En 1937, Jean Hélion est donc déjà loin de ses débuts.

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