Anne et Patrick Poirier : "Il y a le chaos de la ruine et la maitrise géométrique de l’utopie"

Patrick et Anne Poirier - Stéphane Courarie-Delage
Patrick et Anne Poirier - Stéphane Courarie-Delage
Patrick et Anne Poirier - Stéphane Courarie-Delage
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Tantôt archéologues, tantôt architectes, ou ethnologues, Anne et Patrick Poirier sont les auteurs d’une œuvre polymorphe commune qui questionne depuis près de cinquante ans la fragilité de notre civilisation. Ils sont tous deux au micro d’Arnaud Laporte le temps d'un entretien au long cours.

Avec

Depuis plus de cinquante ans, Anne et Patrick Poirier créent à quatre mains. Conjoints à la ville, collaborateurs à l'atelier, ils sont les deux auteurs d'une même œuvre qui nous interroge quant à la fragilité de notre civilisation. La rétrospective “Anne et Patrick Poirier : La mémoire en filigrane” qui leur a été consacrée au MRAC Sérignan en 2021 proposait à travers une sélection d'œuvres de retracer le parcours et le travail d'un duo incontournable de l'art contemporain. C'est à cette occasion qu'il sont revenus, le temps d'un grand entretien, sur leur carrière et leurs imaginaires.

Une exploration à quatre mains de la fragilité du monde

Si Anne et Patrick Poirier se sont tous deux formés sur les bancs de l’école des Arts Décoratifs à Paris, c’est au Louvre qu’ils se rencontrent, un dimanche que l’on imagine pluvieux de l’année 1964, face au tableau Et in Arcadia Ego de Nicolas Poussin. À rebours du matérialisme dialectique et des préoccupations du groupe Support/Surface alors en vogue à Paris, les deux artistes ont en partage le goût du passé antique.

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C’est donc tout naturellement que leur compagnonnage artistique débute à Rome, à la fin des années 1970, lors de leurs séjours à la Villa Médicis. Face aux ruines des sites archéologiques, particulièrement le site d’Ostia Antica, ils trouvent la matière première de leurs œuvres.

"Ostia c'était un paysage rose ou vert. On sentait que la ville s'était endormie lentement, lentement, lentement, ensevelie sous le sable. C'est le plus beau jardin qu'on connaisse." Patrick Poirier

"Même si on n'a pas les clés de la culture méditerranéenne, chacun de nous en a une parcelle en soi-même et c'est ça qui nous intéresse." Anne Poirier

Artistes pluriels, les Poirier empruntent leur langage aussi bien à l’archéologie, qu’à l’architecture, voire même à l’ethnologie et l’anthropologie. Les voyages tiennent une grande place dans leurs imaginaires et leurs processus créatifs.

"À l'époque, on avait des passeports où on devait mettre nos professions. Patrick avait mis archéologue, et moi architecte. Ça nous a ouvert quantité de portes de sites qui étaient complètement fermés au public et dans lesquels on a pu pénétrer en prétextant une thèse inexistante." Anne Poirier

"Anne construisait beaucoup, et moi, je détruisais." Patrick Poirier

Le couple s’est rendu célèbre pour ses grandes maquettes, d’abord de ruines gréco-romaines fictionnelles dans les années 1970, puis de métropoles industrielles en déréliction au tournant des années 1990. En filigrane de ces ruines qu’ils construisent, se dessine la fragilité des cultures, des hommes, et de leurs civilisations. Le passé hante leurs œuvres, sans nostalgie toutefois.

La Fabrique de l'Histoire
51 min

Poétique de la mémoire

Tous deux nés en temps de guerre dans des familles marquées par la perte de proches, Anne et Patrick Poirier n’ont de cesse de sublimer ces traumatismes dans leur travail et de mettre la guerre au centre.  L’oubli de l’histoire est ainsi un de leur sujet, la mémoire et la psyché leurs matériaux.

"Petit à petit, les choses se sont déployées vers l'idée de fiction. Ce sont les rêves d'Anne que j'ingurgite et dont on essaye de faire quelque chose." Patrick Poirier

Depuis le début de leur carrière, Anne et Patrick Poirier s’expriment à travers des matériaux plastiques toujours pluriels et divers. La photographie par exemple est un médium avec lequel les deux artistes ont beaucoup expérimenté. Ils pratiquent aussi bien l’assemblage que le dessin, la peinture sur verre, les miroirs et les mots.

Pas la peine de crier
59 min

Sons diffusés pendant l'émission :

  • Paul Virilio sur France Culture en 2004 dans "Tout Arrive", à l’occasion de la sortie de son livre “Ville panique”.
  • Extrait du Prélude Acte 1 de "Akhnaten" de Philip Glass. Chef d'orchestre : Dennis Russell Davies. Orchestre et chœur de l'Opéra de Stuttgart. Label : CBS.
  • Extrait de l'entretien de Christian Boltanski dans Affaires Culturelles le 4 février 2021.

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